samedi 16 janvier 2010

RECHERCHE DE FINANCEMENTS POUR LE LIVRE "QUINZE JOURS AU KÉRALA", DE THIERRY CLECH


À l’occasion d'un voyage de quinze jours au sud-ouest de l'Inde (en mars 2009), le photographe français Thierry Clech a tiré un portrait noir et blanc de l'État du Kérala.

Il a sélectionné une centaine d’images et écrit un texte pour en faire un livre.
Ce projet éditorial est présenté sur le site BABELDOOR afin de réunir un premier financement en vue de sa publication.

Pour les particuliers ou les sociétés, des contreparties sont prévues (tirages, personnalisation de ce livre d'art en vue de cadeaux d'entreprises, préachats à la moitié du prix public...). CLIQUEZ ICI POUR EN SAVOIR PLUS.

INTERVIEW POUR LE SITE BABELDOOR


Cliquer ICI.

Interview réalisée par Jeremy Barré pour le site Fill-in – Février 2009 (extrait)

Depuis quand pratiquez-vous la photographie?
Depuis 1991, d’abord de façon un peu épisodique, et beaucoup plus intensément depuis sept ou huit ans.

Avez-vous une anecdote concernant vos débuts dans la photo?
Plutôt par rapport à la période précédant mes débuts.
L’appareil photo était alors pour moi une sorte d’objet phobique, j’osais à peine regarder dans le viseur, ne comprenais rien à la vitesse et au diaphragme qui me paraissaient d’une complexité technique insurmontable.
Je n’ai jamais été sensible à la technique, c’est le moins qu’on puisse dire, et, aujourd’hui encore, j’observe ça avec une certaine indifférence. Pourtant, très vite, je me suis aperçu que ce n’était finalement pas aussi compliqué que je pouvais l’imaginer, ce couple vitesse/diaphragme.
J’ai donc acheté mon premier appareil photo, « grillé » une pellicule couleur sans aucun souci artistique, juste pour vérifier que tout fonctionnait bien et, surtout, que j’avais à peu près compris comment procéder. Dans la foulée, je suis parti une semaine en vacances à Marrakech avec six ou sept films noir et blanc. Et là, incroyable coup de chance, j’ai ramené quelques bonnes photos, ce qui m’a incité à continuer.

Qu'aimez-vous dans la photographie?
Il y aurait beaucoup à dire. Mais le principal, sans doute, c’est l’idée d’enregistrement (même chose dans le cinéma), cette espèce d’embaumement du temps présent, comme les momies égyptiennes. Bref, « la mort au travail », pour citer Cocteau. Aucune nostalgie là-dedans, si la nostalgie est une sorte de deuil impossible du passé, mais plutôt une forte mélancolie (et je suis par nature assez mélancolique), c’est-à-dire un deuil permanent du présent qui disparaît aussi vite qu’il est apparu et qu’on peut toujours essayer de fixer sur une pellicule pour se faire croire qu’on est plus fort que le temps qui passe.

Comment avez-vous découvert la photographie? Quand?
À la fin de l’adolescence, en découvrant les images noir et blanc de grands photographes – je me souviens avoir feuilleté le livre de Cartier-Bresson sur l’Amérique, être resté en arrêt devant des photos de Brassaï, certainement de Kertész aussi. Et j’ai tout de suite été impressionné par la singularité, la force de leur regard.
Mais avant ça, je pense que Jacques Tati m’a beaucoup influencé, Playtime en particulier, qui est pour moi est un des plus grands films de l’histoire du cinéma.
D’où, sans doute, mon attirance pour le quartier de La Défense que Tati a imaginé avant tout le monde.

Avec quel type de matériel avez-vous débuté?
Un Nikon FM2 et un 35 mm achetés d’occasion.

Quelques anecdotes sur les étapes de votre apprentissage?
Je crois qu’il n’y a rien à apprendre en photographie. Soit on voit, soit on ne voit pas. Et si on ne voit rien, pas la peine d’insister.
Néanmoins, au fil du temps, le travail évolue bien sûr, on acquiert de la maîtrise – ce qui n’est d’ailleurs pas forcément très bon. Mais la photographie a tellement partie liée à l’inconscient que cette maîtrise, en fin de compte, est toute relative et ne sert pas à grand-chose.

Si vous deviez citer un photographe qui vous inspire particulièrement, qui serait-il?
Il y en a plusieurs, mais André Kertész est celui qui me touche le plus, dont l’œuvre me semble la plus inventive et, j’hésite à utiliser ce mot tellement il est aujourd’hui galvaudé et affadi (mais faute de mieux…), poétique. C’est surtout quelqu’un qui a photographié comme un vieillard dans sa jeunesse et comme un enfant durant sa vieillesse avec, donc, tout au long de sa vie, mélancolie et émerveillement. Deux ingrédients à mon avis indispensables à toute bonne photographie.


Avec quel matériel travaillez-vous?

Toujours mon Nikon FM2 (qui se fait vieux), mais aujourd’hui quasi exclusivement au 50 mm, la plus belle optique qui soit, car la plus neutre, sans effets, déformations ni flatteries inutiles.
J’ai également un Contax G2 dont l’autofocus a tendance à me faire enrager ces derniers temps, mais ça reste un bon boîtier avec d’excellentes optiques.
Bref, entre reflex et télémétrique, mon cœur balance.

De manière plus générale, quel(s) type(s) de photos réalisez-vous?
Je me cantonne dans les strictes limites de mon petit créneau : le 24 x 36 noir et blanc, mes deux boîtiers autour du cou à me promener le nez au vent. En argentique donc, car le noir et blanc et le numérique ont pour l’instant autant de choses en commun que la littérature et les SMS (j’exagère, bien sûr, mais enfin c’est vrai que le résultat n’est franchement pas terrible).


Êtes-vous attiré par un autre type de photos? Si oui lequel?

Non, aucun. Cela dit, peut-être qu’un jour, quand même, je vais me décider à faire un peu de couleur, histoire d’essayer.
Mais la couleur ne m’intéresse pas beaucoup, et ne me touche pas autant que le noir et blanc lorsque je regarde les photos des autres – même si j’admire Saul Leiter, Joel Meyerotvitz, Harry Gruyaert ou encore Gueorgui Pinkhassov par exemple.
Je trouve que la couleur détourne de l’essentiel et, paradoxalement, qu’en donnant plus d’informations que le noir et blanc, ampute l’image d’autant de contenu affectif, ou émotif.

Vous photographiez principalement à l’occasion de vos voyages avec, pour chaque ville ou chaque pays, le risque de tomber dans le « cliché » ou le déjà vu. Comment abordez-vous vos sujets ? Comment évitez-vous ce piège ?

Il suffit, pour prolonger les raisons de mon amour pour Kertész, de regarder les choses comme si on les voyait pour la première et la dernière fois.
Depardon je crois, dit que les photographies sont comme des pensées. Alors il faut s’efforcer de photographier les siennes – car personne n’a les mêmes.

Appliquez-vous un traitement à vos photos?

Non, surtout pas ! Seule entorse : je m’autorise de temps en temps un recadrage lorsque je n’ai pas été assez rigoureux au moment de la prise de vue.

Si vous deviez choisir un seul de vos clichés, lequel serait-il ? Pourquoi ?
Ce n’est peut-être pas ma meilleure photo, mais celle qui m’a procuré le plus d’angoisse au moment de la découverte de mes planches contacts.
C’est une image prise à Istanbul. J’avais repéré un panneau publicitaire (pour une compagnie de transport express genre DHL) représentant un homme en train de marcher et tenant à la main une enveloppe. Derrière cette publicité, il y avait une porte, et, bien sûr, j’espérais qu’il en sortirait quelqu’un de façon à créer une correspondance entre cette forme humaine et la silhouette que je comptais voir surgir derrière. Seulement j’ai attendu bien longtemps en essayant de tenir mon cadre (et au fil des minutes mon attention s’est relâchée, mes réflexes se sont assoupis, mes muscles ont commencé à fatiguer – du coup, il faut l’avouer, le cadre a commencé à tanguer dangereusement) avant que quelqu’un finisse par sortir, en un éclair, de cette fichue porte. Alors, totalement désuni, dans une sorte d’état semi comateux ou halluciné, j’ai juste eu le temps d’appuyer deux fois sur le déclencheur et hop, c’était fini, le type avait disparu. Persuadé d’avoir tout raté, j’ai attendu quelqu’un d’autre pour refaire une deuxième tentative en me promettant d’être cette fois plus concentré, mais en vain. Au bout d’un quart d’heure je suis parti, car ma patience s’était émoussée.
Une fois rentré à Paris, le cœur battant, j’ai donc essayé de repérer au plus vite mes deux clichés parmi mes contacts que je découvrais et là j’ai vraiment eu une chance inouïe, un était bon, du moins conforme à ce que j’avais espéré.